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jeudi 30 mai 2024  599 Vues

Rapport général du colloque interdisciplinaire 2024

Excellence ;

Mr l’Abbé Recteur magnifique,

Chers membres du comité de Gestion,

Chers Doyens ;

Chers professeurs,

Chers chefs de travaux et assistants,

Chers étudiantes et étudiants

Distingués invités,

À vos titres et qualités, tout protocole observé

 

En commémoration du trente-cinquième anniversaire de la mort du Cardinal Joseph-Albert Malula, l’Université Catholique de l’Archidiocèse de Kinshasa Omnia omnibus a organisé du 27 au 29 mai 2024, son deuxième colloque interdisciplinaire et international sur le thème : « Une Eglise Congolaise dans un Etat Congolais. La mission prophétique de l’épiscopat de la RDC dans l’espace socio-politique, 35 ans après Joseph-Albert Cardinal Malula ». Comme nous pouvons le constater, ce sujet est dédié à l’heureuse mémoire du premier Cardinal autochtone de l’Archidiocèse de Kinshasa, figure de proue de l’Église, de la société congolaise  et Africaine. À partir de lui, nous avons voulu jeté le dévolu sur la mission prophétique de l’épiscopat Congolais dans l’espace socio-politique à travers les défis à relever et les opportunités à saisir après la mort de Malula.   

Ces assises scientifiques, interdisciplinaires et internationales ont regroupé de nombreux penseurs, experts, chercheurs et professeurs venus de plusieurs coins de l’horizon du monde : du Canada, de l’Italie, de l’Allemagne, du Ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, de la Nonciature Apostolique, de l’Archidiocèse de Kinshasa, de la congrégation des sœurs thérésiennes de Kinshasa, de l’Université Catholique du Congo, de l’Université Pédagogique Nationale, de l’Université de Kinshasa,  de l’Université Loyola du Congo, de l’Université de Mazenod, de l’Université Saint Augustin de Kinshasa, de l’Université de Mbandaka, de l’Université Omnia Omnibus, de la Cenco, du mouvement des mamans catholiques et des mamans et papa de ba mibonza de l’Archidiocèse de Kinshasa.

Pour rappel, quatre axes ont ponctué l’essentiel des communications à savoir : axe1 : une vie consacrée au service et à la promotion de l’Église ; axe2 : une vie consacrée à la promotion de la société congolaise ; axe3 : fondement multidimensionnel de la relation Eglise-Etat et axe4 : mission prophétique et engagement de l’épiscopat congolais dans l’arène socio-politique.

Le premier jour du Colloque a été rythmé, dans un premier temps, des discours relatifs à la cérémonie d’ouverture, notamment le mot de la nonciature apostolique, le discours d’accueil du recteur, l’adresse du secrétariat général à l’Esu, la conférence inaugurale de Son Eminence Fridolin Cardinal Ambongo et le baptême de la première revue interdisciplinaire de Omnia omnibus ainsi que la vente d’honneur des actes du premier colloque qui portait sur la visite du Pape François en RD Congo. Dans son mot, Mgr Nicolas, Chargé d’Affaires de la Nonciature a, au nom de la Représentation du Saint-Siège en RD Congo, salué la mémoire du Cardinal Joseph-Albert Malula qui, 35 ans après, continue à inspirer l’Eglise et la société congolaises. Son épiscopat s’est fondé sur le prophétisme témoigné dans les écritures saintes et manifesté dans l’ethos du Magistère de l’Eglise, à travers notamment les Papes Jean-Paul II, Benoît XVI et François. C’est le même prophétisme que chacun devrait assumer de par son baptême.

Dans son mot d’accueil, Monsieur l’Abbé Christian Ngazain Recteur magnifique de l’Université Omnia Omnibus, a rappelé que ce deuxième colloque s’inscrit dans la perspective de la commémoration de 35 ans depuis la naissance au ciel du Cardinal Malula. Ce premier Archevêque originaire de Kinshasa  demeure un héros à travers son souci constant de libérer notre peuple des angoisses de l’existence. C’est dans ce sens que ces assises, indiquait Monsieur l’Abbé Recteur magnifique, voudraient scruter sa sentence d’une « Eglise congolaise dans un Etat congolais », afin d’en déduire des implications majeures pour notre société d’aujourd’hui.

C’est dans cette même optique que Monsieur le Secrétaire Général à l’Enseignement Supérieur et Universitaire, représentant l’autorité de tutelle, a salué l’épaisseur et l’éminence de la figure emblématique du Cardinal Malula, tout en remerciant l’Université Omnia Omnibus pour l’occasion qu’elle offre de remobiliser la pensée de Malula qui pourrait induire des déclencheurs nouveaux et utiles à la cohésion nationale et nous projeter vers l’avènement d’un Congo pacifié et résolument tourné vers le développement. Il a souligné que l’Eglise Catholique du Congo, non seulement qu’elle est la « mère » de l’Université au Congo, mais aussi elle a doté le pays des structures de formation valeureuses et des cadres compétents.

Ces discours ont été suivis de la conférence inaugurale tenue par son Eminence Fridolin Cardinal Ambongo. D’entrée de jeu, le Grand Chancelier de l’Université Omnia Omnibus a signifié que la recherche n’a pas attendu le temps pour prendre son envol au sein de notre alma mater, car « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années », dit-on. Sa communication a porté essentiellement sur le projet épiscopal du Cardinal Malula, sa genèse, ses impacts sur la nation et l’Eglise et la lecture  à en faire après 35 ans. En effet, la genèse du projet épiscopal de Malula est à situer dans son engagement socio-pastoral comme jeune prêtre depuis son ordination, et cela s’inscrit singulièrement dans la dialectique entre l’Eglise et l’Etat. Face à certaines dérives, l’Eglise, à travers Malula, a tenu mordicus à demeurer le sel et la lumière de la nation, malgré les méandres de tout genre. Ce projet épiscopal a eu un impact tridimensionnel : socio-politique, socio-pastoral, et théologico-scientifique. 35 ans après, ce Colloque se veut une lecture à nouveaux frais de ces intuitions cardinalices qui gardent toute leur pertinence et leur actualité.

Le premier axe, sous la modération du professeur Jean-Médard Bokongo, a porté sur « La vie consacrée au service et à la promotion de l’Eglise ». Se jetant en premier dans l’eau, le Professeur Abbé John Mobiala, dans sa communication intitulée : « L’épiscopat : clé herméneutique de l’action pastorale et de promotion humaine du Cardinal Joseph-Albert Malula. Bilan et actualité », est revenu sur la centralité de la figure de l’évêque. Cette dernière, pour lui, implique un épiscopat lucide, serein, objectif, courageux et surtout en lien avec le Christ et l’Eglise. L’épiscopat invite à la combinaison de trois qualités : don de Dieu, noblesse et grandeur. C’est en fait cette grille de lecture qui pourrait permettre la compréhension de l’action pastorale de Malula qui a consacré son épiscopat dans la promotion sociale, le développement et l’humanisation de son peuple par l’amour, la justice et la charité.

La deuxième communication, tenue par le Professeur Abbé Maurille Zola, était intitulée : « De l’inculturation du rite liturgique du Cardinal J.-A. Malula à celle du style de témoignage de vie chrétienne ». L’auteur a montré le lien ombilical qui existe entre l’œuvre de Malula et le mystère de l’incarnation, considéré comme une réconciliation entre Dieu et l’humanité. C’est donc la pénétration de la foi dans l’âme congolaise qui a été à la base du rite zaïrois. Mais en se positionnant sur le modèle théologique de la pentecôte, il faudrait la promotion du binôme chrétien-témoignage. Pour ce faire, l’Abbé Maurille a mobilisé la pensée des théologiens Georges Njila et Ka Mana. Si chez le premier, il tire la nécessité du rapport entre liturgie et vie quotidienne, chez le second, il mobilise la notion de responsabilité africaine dans les épreuves et es crises que connaissent nos pays.

À son tour, le Professeur Abbé Marcous Bindungwa a orienté sa conférence sur l’ « Essai de profil du prêtre de l’an 2000 : Prophétie réalisée ou pas ? ». Le Professeur Bindungwa a pris soin de rappeler que cet Essai s’agissait d’un projet monté en juin 1987 par Malula visant l’amélioration de la formation assurée aux séminaristes futurs prêtres de Kinshasa, dans le but de dissiper les inquiétudes que le jeunes prêtres de son temps révélaient en lui et de créer un clergé spirituellement et intellectuellement crédible. Cependant, quatre décennies après, les recherches empiriques menées en 2022 et celles en cours renseignent que certains prêtres d’aujourd’hui sont dans des vices tels que l’indiscipline sexuelle, la cupidité d’argent et la négligence de la spiritualité et du zèle pastoral. Cela rencontre les inquiétudes exprimées récemment par la CENCO et le Pape François lors de sa visite au Congo. Pour ce faire, l’auteur suggère le diagnostic et le soin approprié à apporter à la formation.

À travers une vidéo-conférence, le Dr Marco Moersbacher de Missio-Aachen est revenu sur les intuitions du Cardinal Malula. Pour lui, le Cardinal Malula voulait une Eglise-miroir de la société. C’est cela qui justifiait ses prises de position tant pendant le temps du Congo belge, de l’indépendance que du mobutisme. Le cardinal Malula s’est consacré à l’africanisation de l’Eglise et à la construction d’une ecclésiologie de communion. Son combat était la promotion intégrale de l’homme dans une société où s’applique véritablement la justice distributive.

À la suite du Dr Marco, le Doctorant Abbé Rémy Kamalueyi a fait une « relecture critique des raisons de la création par le Cardinal J.-A. Malula du ministère des Bakambi ba paroisses dans l’archidiocèse de Kinshasa ». D’après lui, les Bakambi ont réellement participé à la genèse de l’Eglise de Kinshasa, et leur apport a été significatif. Cependant, la suppression de ce ministère demeure préoccupante. Tenant compte de la nécessité pour les laïcs de participer à la pastorale du prêtre, l’Abbé Remy a repensé ce ministère suivant les exigences théologiques, canoniques et pastorales. Le but est de réintégrer les Bakambi dans la pastorale d’ensemble, suivant la nouvelle dynamique de la synodalité. Il propose ainsi l’instauration des assistants paroissiaux et des assistants pastoraux, au regard du contexte urbano-rural de l’archidiocèse de Kinshasa.

Le Professeur Père Ghislain Tshikendwa, quant à lui, a fait une réappropriation des intuitions du Cardinal J.-A. Malula pour une pastorale de la famille en contexte de bouleversements culturels, sociopolitiques et économiques que connaît notre société. Pour lui, la pastorale de la famille doit intégrer la question de l’habitat comme élément essentiel de la vie familiale. C’est cette pastorale qu’il appelle « pastorale boni na ndaku ? », qui insiste sur la conception d’un habitat familial sécurisé où se transmettent des valeurs de générations en générations.

Pour boucler ce premier axe, Madame Cécile Lepira, a présenté les « apports des Mamans catholiques et des Bamama ya ba Mibonza dans la prise en charge matérielle de l’Eglise, 35 ans après le Cardinal J.-A. Malula ». Outre la prise en charge matérielle, ces deux mouvements se consacrent aussi à la sanctification personnelle et des formations, soulignait-elle. Toutefois, quelques défis restent à relever, notamment l’intégration des autres groupes à charismes propres au sein de ces deux groupes créés à juste titre par le Cardinal Malula.

Les communications de ce premier axe ont suscité des échanges enrichis, allant dans le sens d’une prise en compte des aspects positifs du clergé kinois, 35 ans après Malula, d’une traduction appropriée de nos prières en lingala, notamment le Notre Père. Il a été également relevé l’importance de penser au sens de l’épiscopat vécu dans d’autres églises autres que l’Eglise catholique. Aussi, le renforcement de la formation des Mamans catholiques s’est avéré important.

Le deuxième axe abordé le deuxième jour dans la matinée sous la modération de la professeure Pitshouna Kilunga  se penchait sur une vie consacrée à la promotion de la société congolaise. La première conférence a été animée par le professeur Abbé Ignace Ndongala sous le thème : « Le mensonge politique et la politique de la vérité au Zaïre de Mobutu. Réappropriations  décoloniales de la pensée et des pratiques sociopolitiques du Cardinal J-A Malula ». Ce sujet était développé  en trois moments. Il montrait d’abord comment l’épiscopat de Malula était celui qui prônait la fraternité et la vérité. Pour l’Abbé Ignace Ndongala, la lutte que menait le Cardinal J-A Malula avait pour objectif de fraterniser avec tous dans la vérité. De ce point de vue, J-A Malula était cet Evêque qui dénonçait le mensonge mais dans toute fraternité. Le mot forgé par celui-ci « la ndekologie » désigne cet amour fraternel qui doit caractériser les filles et fils d’un même Père. Ensuite, le conférencier, parlant du mensonge politique à la politique du mensonge, avait souligné le combat du Cardinal J-A Malula qui était la lutte contre les antivaleurs, notamment la médiocrité, le mensonge…Le Cardinal J-A Malula voulait la sincérité, l’authenticité, la transparence, l’intégrité, la loyauté, la moralité… Enfin, il a dégagé les défis de  la réappropriation de la pensée géopolitique du Cardinal Malula : dans cette dernière partie de son message, Ignace Ndongala a présenté le Cardinal J-A, Père de l’Eglise de Kinshasa comme celui qui insistait sur la vérité dans la fraternité.

La deuxième conférence, présentée  par le professeur Marcellin Kalombo sur le sujet suivant: « Avec Malula, former les politiciens à l’éthique sociale pour remédier l’immoralité excessive des dirigeants congolais pourtant chrétiens ». Développé en quatre moments, le communicateur voulait premièrement partir d’un paradoxe selon lequel, la plupart de nos dirigeants sont chrétiens. Mais en entrant dans la politique, ceux-ci se désengagent des valeurs chrétiennes. C’est ainsi que l’immoralité bat record dans l’espace politique congolais. Poursuivant sa réflexion, le Conférencier a dans le deuxième moment évoqué l’impératif de la moralisation de l’espace politique pour faire coïncider les valeurs morales dans l’action socio-politique. Dans ce cadre, il a fait recourt au Cardinal J-A Malula qui avait le souci de former les intellectuels catholiques afin qu’ils rayonnent dans le temporel. Dans le troisième moment, le Conférencier a évoqué le Cardinal J-A Malula qui dans son actif pastoral combattait pour que les laïcs qui s’engagent dans la politiques soient réellement sel et lumière du monde. Pour remédier à cette situation d’immoralité chez les politiciens congolais, le professeur a proposé entre autres une formation qui entraîne à la transparence, à l’incarnation des valeurs morales et éthiques. Il a enfin recommandé certaines stratégies d’accompagnement et de suivi des politiciens par l’Eglise.

La  Professeure Sœur Brigitte-Lucie Kivwila  nous a entraîné dans « L’émancipation de la femme, 35 ans après le Cardinal J-A Malula : cas de la congrégation des Sœurs thérésiennes de Kinshasa ». Elle a commencé par présenter la biographie de Malula en se posant cette question : « qui est Malula ?». Ensuite,  la Conférencière a présenté la Congrégation des Sœurs religieuses thérésiennes de Kinshasa, qui sont les filles de Malula. En outre, le Révérende Sœur a présenté les différentes œuvres réalisées par les Sœurs thérésiennes 35 ans après le Cardinal J-A Malula.  Enfin, elle a évoqué  les défis à relever pour l’avancement de leur congrégation, notamment le désir d’avoir une université de la congrégation, le désir d’envoyer des sœurs faire d’autres disciplines scientifiques pour varier les compétences. Disons que pour la Sœur Brigitte-Lucie, le Cardinal J-A Malula a lutté afin que la femme congolaise en général et la religieuse thérésienne de façon singulière soit émancipée.

Le Docteur Abbé François-Pantaléon Kajingulu a communiqué sur « la pastorale de service de santé dans l’Archidiocèse de Kinshasa : des options du Cardinal J-A Malula à l’actuelle couverture-santé-universelle ». Le professeur affirme et confirme que la santé des hommes et des femmes est à classer parmi les priorités pastorales du Cardinal J-A Malula. Raison pour laquelle,  Malula s’est évertué à la formation du personnel médical ; la création des structures de santé, le cas de l’hôpital Saint Joseph ; et l’animation et suivi des structures des hôpitaux. Pour François-Pantaléon Kajingulu, cinq raisons confirment l’option pastorale de la santé chez le Cardinal J-A Malula : le Cardinal avait une vision de la santé et cette vision de la santé existe dans ses infrastructures. Il existe aujourd’hui de nouveaux paradigmes de la santé et pour finir, la santé des hommes et des femmes préoccupait le Cardinal. Voilà pourquoi il s’y intéressait.

La dernière communication pour cet axe était prononcée par le professeur Abbé Jean-René Dimbasi sur « L’éducation est-elle une potion magique pour le développement de la RDC ? Compléments à l’initiative des jeunes aux valeurs, assurée par le Cardinal J-A Malula ». Il a indiqué que la jeunesse kinoise était le cheval de bataille de l’apostolat du Cardinal J-A Malula. C’est pourquoi ce prélat catholique insistait beaucoup plus sur la formation des jeunes. Le Conférencier a invité les jeunes à conserver et à respect  la nature et à être des modèles dans ce monde dépravé. Les échéances ont tourné autour l’aspect de la santé des prêtres de l’Archidiocèse de Kinshasa qui vieillissent et sont presque abandonnés sans être accompagnés, sur la formation des jeunes au mariage et sur la formation politique dans les paroisses.

Les après-midi de la même  journée, c’est l’axe 3 portant sur le Fondement multidimensionnel de la relation Eglise-Etat à travers ses six conférences que les discussions ont été conduites sous la modération du professeur père Denis Bosomi. La première conférence donnée par le Doctorant Abbé Raphaël BUKASA a eu comme titre : « Dénoncer ou se taire ! Fondement de la mission prophétique dans le message d’Amos 7, 10-17 ». À l’introduction, il a situé la question dans la littérature prophétique et dans le contexte de l'Épiscopat congolais. Ensuite, il a consacré  la première partie sur l'exégèse d'Am 7, 10-17. Ce passage fonde la mission prophétique d'Amos, l'opposant au roi Jéroboam et au prêtre Amasias, le complice du roi. Il a encore souligné les principes de la mission prophétique selon la triade denoncer-annocer- renoncer. L'effort d'actualisation exalte la figure de Malula comme prophète pour notre temps. La mission prophétique habilite au courage et à la résistance. Amos ne se résigne pas malgré les menaces et l'exil. L'épiscopat congolais ne peut donc pas se taire devant ce qu'on appelle « mal politique ». Comme guetteur et éveilleur des consciences, sa mission reste prophétique. Il annonce une parole d'espérance devant les incertitudes du lendemain, plongeant le peuple dans le fatalisme. Ainsi, tout comme a été la présence des prophètes bibliques dans l'espace public, cette mission consiste à dénoncer, à poser des actions de transformations de la société et à annoncer une parole d'espérance comme perspectives d'avenir.

Pour le Professeur Abbé Léonard Santedi, il est temps de « Redécouvrir la force de l’Evangile pour la transformation des sociétés. Réflexion fondamentale sur le binôme Foi-Politique ». Il a tenté de proposer quelques réflexions fondamentales sur une meilleure articulation entre la Foi chrétienne et le pouvoir politique. Pour ce faire, il a d’abord avancé quelques présupposés théologiques qui sont également ses convictions et qui sous- tendent l'engagement de l'Eglise au service de la transformation des sociétés humaines. Il a ensuite indiqué la portée de l'Evangile comme force transformatrice des sociétés et il a enfin terminé par donner quelques perspectives pour la mission prophétique de l'Eglise. Tout est parti d’un constat : dès l'aube de l'indépendance du pays, l’Eglise catholique en RD Congo reste engagée pour la promotion humaine intégrale. Il ne fait pas de doute que la construction d'un ordre social juste relève de la compétence de la sphère politique. Cependant, une des tâches de l'Eglise consiste à former des consciences droites et réceptives aux exigences de la justice. Comment articuler d'une manière heureuse ce binôme Foi-Politique pour la construction des sociétés dignes ? À cette question, le conférencier soutient la thèse de revisiter l'évangile afin de redécouvrir justement sa force pour la transformation du monde. Cet Evangile est la parole subversive par excellence (cf. J. M. ELA), il dévoile et désarticule les constructions humaines qui gouvernent la vie collective en s'imposant comme normales et éternelles. La force de l'Evangile est dangereuse pour ceux qui gouvernent en se fabriquant des dieux, en imposant comme sacré ce qui n'est que l'œuvre de leurs mains. Quand Dieu se fait connaître comme Dieu, les dieux tombent en poussière et les évidences qu'ils servaient à sacraliser s'effritent.

 Le Professeur Abbé Bertin BEYA MALENGU à son tour a accentué  sur : « Religion et raison publique : Fondement philosophique de la relation Eglise-Etat à partir de John Rawls et Jürgen Habermas ». Le conférencier tente de trouver un fondement philosophique à la relation Eglise-Etat en vue de leur enrichissement mutuel sur base des efforts conjoints de John Rawls et de Jürgen Habermas sur la raison publique. Il a commencé par expliciter  le concept de raison publique ;  ensuite la systématisation de la raison publique opérée par John Rawls et Jürgen Habermas ; et un plaidoyer en faveur d'un élargissement de la raison publique. Cependant, la raison publique s'est développée dans le contexte d'un agnosticisme assumé excommuniant les convictions religieuses. Ce qui ne doit plus être le cas aujourd'hui. La raison publique a tout à gagner à accorder plus de place aux convictions religieuses. D'où, l'urgence et la nécessité d'élargir la raison publique. L'heure est donc au décloisonnement des champs politique et religieux en vue de leur enrichissement mutuel. Dans ce contexte, l'Eglise, loin d'être réduite au silence et enfermée dans la foi privée, doit devenir interlocutrice et partenaire. Mais en parlant au nom de sa foi, sans prétendre dicter la seule solution possible, l'Eglise doit tenir compte des « maux des mots » et jouer le jeu du pluralisme dans un monde désenchanté qui est le nôtre.

Le Professeur Père Macaire MANIMBA a communiqué  sur « le Cadre historique des relations Eglise-Etat : De Constantin à la promulgation de la loi sur la laïcité (1905) ». Le conférencier a montré que les relations entre l'Eglise et l'Etat sont l'une des constantes de l'histoire du christianisme. L'évolution historique des relations Eglise-Etat est marquée par des moments aussi divers que la suspicion mutuelle au temps des premiers chrétiens, la christianisation de l'Empire, les querelles du Moyen Age pour la suprématie entre les pouvoirs politiques et religieux, les diverses étapes de la sécularisation pour aboutir à la disparition de la puissance temporelle de l'Eglise à la fin du XIX siècle ainsi que la séparation des Eglises et de l'Etat à la suite de la promulgation de la loi sur la laïcité en décembre 1905. L'Eglise et l'Etat, quelles que soient les circonstances, sont condamnés à entretenir un dialogue constructif en termes de complémentarité et de soutien mutuel, d'autant qu'ils s'occupent l'un du bien spirituel et, l'autre du bien matériel de la même personne, qui est à la fois fidèle de l'Eglise et citoyen de l'Etat. Pendant l'essentiel de la période qui nous occupe (312-1905), la règle générale semble avoir été celle d'une collaboration entre les pouvoirs ecclésiastiques et laïcs. Les périodes de crises aigües n'interviennent souvent que quand l'un des pouvoirs est contraint, le plus souvent par les circonstances, à s'immiscer dans un domaine qui n'est pas le sien.

Le Professeur Abbé Pius KALAMA, quant à lui, a exposé  sur « les origines de l’Accord-Cadre entre le Saint Siege et la RD Congo : Son impact et le nouveau statut de l’Eglise Catholique ». Il a commencé par expliquer  la notion du droit concordataire, les motivations ayant concouru à l'origine de l'Accord-Cadre et  l'impact de l'Accord-cadre à travers le nouveau statut de l'Eglise catholique. Plusieurs raisons ont concouru à la signature et la ratification de cet Accord-cadre tant du côté de l’Eglise que de l’Etat. L'impact de la signature de l'Accord-cadre et le nouveau statut de l'Eglise se dessinent d'une part, à travers l'applicabilité des plusieurs accords spécifiques signés entre les Parties contractantes dans les domaines de la santé, de l'éducation, du social, des facilités fiscales et d'autres domaines de la coopération etc., et d'autre part, à travers la reconnaissance de la personnalité juridique à caractère public de l'Eglise catholique et de ses institutions, les garanties de la liberté religieuse, l'utilité sociale de l'Eglise Catholique, etc. À travers la signature de l'Accord-cadre, l'Etat congolais et l'Eglise catholique adoptent le système de collaboration dans les domaines d'intérêt commun en vue du bien-être des populations Congolaises.

La  dernière conférence de cet axe  a porté sur « L’Etat congolais et prise en charge financier des Eglises locales : Repenser la relation Eglise-Etat à l’aide d’un projet de loi conciliateur ». Une prise en charge financières des Eglises locales du Congo par le trésor public est-elle possible aujourd'hui ? Voilà la question que se pose le Professeur Giscard LOANDO Bakombo. Si la loi de séparation des Eglises et de l'Etat du 09/12/1905 ouvre en France la porte à la laïcité; l'expérience de la gestion de la chose publique belge et les expériences congolaises de la relation Eglise-Etat constituent les éléments nécessaires à même de nous permettre de tenter le fondement d'un projet de loi essentiellement congolais pour consolider la conciliation. Sa communication a été articulé autour de quatre points, à savoir :

1) De la reconnaissance des services rendus par l'Eglise fondement de sa prise en charge financière par l'Etat congolais ;

2) Des exceptions et ouvertures de la laïcité franco-belge et financement des Eglises par le trésor public ;

3) Vers une contextualisation de la laïcité à la congolaise et financement des Eglises congolaises par l'Etat congolaise ;

4) Un projet de loi conciliateur est-il possible ?

Les échanges et les discussions ont pivoté autour des points suivants :

- Réveiller la conscience de nos fidèles sur leur mission prophétique

- Promouvoir l’homme intégral en recentrant sa vie autour de l’Evangile

- Favoriser le dialogue entre l’Eglise et l’Etat.

La journée du mercredi 29 mai, dernier jour des assises dans les avants-midi consacrée au quatrième axe portant sur la “mission prophétique et engagement de l'épiscopat congolais dans l'arène socio-politique”. Six conferences ont ponctué le débat. « Quand l'Eglise et l’état congolais parlent le même langage: répères historiques” (Prof père Alain Flavien Nkisi). Dans la première conference, il s’agissait pour l’orateur de souligner quelques répères historiques démontrant que l’Eglise et l’Etat ont dès l’origine entretenu de bon rapport. Il qualifie ce dernier de même langage. Pour ne pas se disperser, il a centré sa communication sur une période donnée: après l’indépendance. Il s'agissait de souligner les temps forts de la collaboration entre les deux entités après l'indépendance. En dépit de leurs missions spécifiques. Une question majeure l’a guidé: les deux entités n'ont-elles pas la même vision, celle assurer le bien-être du peuple (de Dieu)? En répondant anticipativement par l’affirmative, l’orateur a postulé alors que cette vision, celle de travailler pour le bien-être de la population, induit les deux entités à collaborer ou à travailler en synergie.

Cela étant précisé, le conférencier a démontré clairement à travers six exemples que réellement l’Eglise collabore avec l’Etat. Les périodes et les dates étudiées sont: la prise de pouvoir par le Haut-Commandement de l'Armée (1965), la formation de la jeunesse (1969-1972), la doctrine de l'authenticité (1972), le processus de démocratisation (décennie 90) et les accords de la Saint-Sylvestre 31 décembre 2016).

Quant à la deuxième conference, celle de Professeur Abbé Andoche Bavuidinsi, était l’explicitation de la précédente en démontrant clairement cette collaboration dans le domaine de l’éducation et de la formation. En prolongeant sa réflexion, l’orateur a relevé tout de même que l'histoire de l'éducation du pays montre aussi que cette collaboration a toujours été mise en mal chaque fois que l'Eglise ou l'Etat versait dans la dérive autoritaire du pouvoir ou s'écartait des limites de son rôle dans ce domaine étudié. Cette collaboration connait souvent de hauts et de bas, selon l'attitude des dirigeants politiques en place. Face à ces crises, le Professeur Andoche a proposé comme solution l’appel à une cohabitation et à une cooperation responsable entre l'Etat et l'Eglise en matière d'éducation dans le respect des conventions établies, et en évitant de monopoliser le pouvoir d'éduquer.

La CENCO: sa nature, son fonctionnement, sa mission précise et la qualité de ses relations dans l'arène politique RD Congolais. Tel était le contenu de la troisième conference de ce matin. Cette dernière était prononcée par le Secrétaire Général adjoint de la CENCO, le Prof Abbé Georges Kalenga. Pour ce dernier, la nécessité de situer le cadre des interventions de la CENCO s’imposait afin de faciliter la comprehension. Ainsi, pour lui, la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) est aujourd'hui d'une notoriété incontestable sur le plan national et international, à l'intérieur de l'Eglise tout comme à l'extérieur. C'est surtout à partir de ses prises de position sur certaines questions de société, notamment celles socio-politiques, que la CENCO fait parler d'elle, à tel point que certaines opinions, surtout parmi les Acteurs sociaux et politiques, considèrent l'agir de la CENCO comme une dérive par rapport à ses compétences; le traitent d'ingérence indue dans les affaires de l'Etat ou d'interventionnisme inopportun.

De son côté, le Professeur Gauthier Musenga a dans sa Conférence portant sur: “les déclarations des évêques de la CENCO: relais partisan des opposants aux pouvoirs en place ou véritable voix de la raison en RDC ?” IL s’agit comme on s’est apercu d’une question pertinente. De façon brève, son souci majeur était de d’explorer comment les interventions des évêques ont les valeurs qui, si elles sont vécues pleinement, offrent vraiment le meilleur de l'Evangile de Jésus. Il a affirmé que ces valeurs comprennent le sens de l'omniprésence de Dieu, de la dignité de la personne humaine, de la relation en communauté et des soins pour les faibles de la société. Ces valeurs sont réunies dans l'esprit d'interdépendance et peuvent à juste titre être considérées comme des tremplins sur lesquels la vie consacrée en République Démocratique du Congo (et ailleurs) peut s'épanouir. La solution préconisée face au défi institutionnel de vie sociale est de tenir compte de la rationalité du message et de son apport dans la vie des congolais. Ces interventions de la CENCO, surtout ses publications restent de fois sans effet car ils sont ignorés.

D’où, la doctorante Eveline Bungiena a osé dans sa conference aborder la problématique de: “L'inefficacité communicationnelle comme cause principale de l'ignorance généralisée des messages de la CENCO. Enquête au Doyenné Saint Joseph de l'Archidiocèse de Kinshasa” qui critique la cellule de communication de cette institution épiscopale. D’où pour la conférencière, parler de l'efficacité communicationnelle d'une organisation non commerciale suppose cinq principaux facteurs dont:

1ª la pertinence du contenu du message ou sa capacité à intéresser les besoins des interlocuteurs;

2° l'accessibilité du langage de style et niveau compréhensibles par les destinataires;

3º le niveau intellectuel ou les capacités et prédispositions du public à entendre et comprendre le message lui communiqué;

4º l'envergure et l'intensité de la divulgation ou médiatisation publique;

5° la nécessité de la vérification du feedback du public qui a reçu le message. C'est ce que la CENCO est censée accomplir pour améliorer son système de communication organisationnelle externe et sociale.

La dernière conference est restée dans la même optique en abordant: “Oser le paradigme de la diffusion biochimique: plaidoyer pour une métamorphose de l’agir communicationnel prophétique de l’épiscopat en RD Congo”. Cette communication est  prononcée par le Professeur Péguy Lumuene. Ce dernier entend interpréter le thème central du colloque: Une Eglise congolaise dans un Etat congolais en questionnant la particule dans qui, indique la situation par rapport à un contenant. Pour lui, elle véhicule quatre notions riches en signification, incarnation, symbiose, osmose et diffusion.

C’est donc cette dernière notion qui a stimulé son questionnement: En biochimie, c'est un phénomène de transport irréversible qui tend à homogénéiser la composition d'un milieu. Dans le domaine culturel, c'est la propagation des connaissances dans un large public: elle renvoie à la diffusion médiatique, fonctionnant selon le paradigme linéaire, qui correspond, par analogie, à la mission prophétique exercée jusqu'à présent par l'épiscopat en RDC

Après ces interventions riches, la série des échanges a été ouverte sur les questions telles que: si le paradigme de diffusion peut-il avoir un lien avec le paradigm scholastique; sur les taches de l’état concernat l’éducation et la remuneration des agents des institutions catholiques.

 

Fait à Kinshasa, le 29 mai 2024

Professeur Marcellin KALOMBO Mbuyamba

 

RECOMMANDATIONS ET RÉSOLUTIONS

 

Excellence ;

Mr l’Abbé Recteur magnifique,

Chers membres du comité de Gestion,

Chers Doyens,

Chers professeurs,

Chers chefs de travaux et assistants,

Chers étudiantes et étudiants

Distingués invités,

À vos titres et qualités, tout protocole observé

 

Nous, participants au deuxième colloque interdisciplinaire de l’Université omnia Omnibus de l’Archidiocèse de Kinshasa, sous le thème : «  Une Eglise congolaise dans un Etat congolais. La mission prophétique de l’épiscopat de la RDC dans l’espace socio-politique, 35 ans après Joseph-Albert Cardinal Malula ».

Apres avoir analysé et débattu sur 24 communications pertinentes et 7 discours protocolaires  autour du Cardinal Malula et la mission prophétique de l’épiscopat du Congo,